En ligne: Subjectivités, Pouvoir, Image. L'histoire de l'art travaillée par les rapports coloniaux et les différences sexuelles
acegami
analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images
groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta
contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com
le séminaire n'a plus lieu
Après 6 années riches d'activités, le séminaire s'arrête. D'autres initiatives permettront sans doute de réactiver les échanges de ce groupe de recherche...
séance du vendredi 8 juin 2012
Marie Vicet, doctorante en Histoire de l’art contemporain à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense (EA 4414 HAR : Histoire des arts et des représentations) et à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (EA 2478 - LETA : Laboratoire d'Esthétique Théorique et Appliquée), marie.vicet(at)gmail.com
« ‘Girls Rule, Kind of (Strategy)’: Girls Want Their MTV Too!
Pratiques vidéo d’artistes féminines au regard de MTV »
Depuis l’avènement de MTV en 1981 et la diffusion à grande échelle de clips vidéo dans le but de vendre encore et encore plus de disques, la femme, comme déjà en publicité, fut utilisée comme argument de vente, vue comme objet de fantasme pour le téléspectateur. Avec l’arrivée de la technologie vidéo, du mouvement punk et du mouvement de libération des femmes dans les années 1970, la revendication de la place de la femme en tant qu’artiste a explosé et c’est tout naturellement que les artistes plasticiennes ont dès le début des années 1980 proposé une autre vision de la femme au travers du clip vidéo ou une critique de son utilisation dans un but uniquement commercial.
Le succès inattendu du titre « O Superman » de Laurie Anderson en 1981 lui donne la possibilité de passer sur MTV et ainsi de proposer une image de la femme loin des représentations qu’on y trouvait alors, les chanteuses féminines y étant encore rares.
En 1982, l’artiste vidéaste Dara Birnbaum réalise un clip vidéo posthume pour la chanson Fire ! de Jimi Hendrix dans lequel elle transporte le thème de la chanson dans l’univers consumériste des fast-foods et met en question le statut de la femme consommatrice et consommée. En 1987, elle réalise une autre vidéo pour la chaîne MTV dans laquelle elle propose cette fois une image de la femme plus indépendante, qui décide par elle-même.
De la même façon dans les années 1990, Sadie Benning, jeune artiste féministe qui ne se reconnaît pas dans les images véhiculées par la télévision propose une nouvelle vision de
l’image de l’adolescente dans le clip de German Song qu’elle réalise en 1995 pour le groupe Come. En 1998, dans le clip vidéo d’Aerobicide qu’elle réalise pour Julie Ruin, projet solo de Kathleen Hanna, pionnière du mouvement du Riot Grrrl, Sadie Benning dénonce les campagnes de publicité destinées aux femmes pour les inciter à acheter tel ou tel produit. C’est dans la même veine critique qu’Elisabeth Subrin, vidéaste qui avait déjà collaboré sur d’autres projets avec Sadie Benning, réalise en 2002 le clip Well, Well, Well pour le Tigre, le nouveau groupe de Kathleen Hanna.
En art vidéo, l’artiste Pipilotti Rist dès ses premières vidéos comme I’m Not the Girl
Who Misses Much datant de 1986 reprend les codes du clip vidéo pour critiquer la culture
populaire en jouant sur la technologie du médium vidéo.
Il sera question ici de voir comment ces artistes féminines utilisant le médium vidéo se
sont emparées d’une forme télévisuelle, le clip vidéo musical pour le détourner, le critiquer et ainsi proposer une image de la femme qu’elles ne retrouvaient ni à la télévision ni sur MTV, et qui ne leur correspondait pas.
Artbreak, MTV Networks, Inc. © Dara Birnbaum & Electronic Arts Intermix
séance du vendredi 11 mai 2012
Servin Bergeret, doctorant en histoire de l'art contemporain, Université de Bourgogne, Centre Georges Chevrier / UMR CNRS 5605, servin_bergeret(at)etu.u-bourgogne.fr
« Le féminisme marginal d'Iris Clert, à partir de l'exemple du Micro-Salon de 1974 : Grandes Femmes Petits Formats »
Durant sa carrière de galeriste, entre 1956 et 1986, Iris Clert révéla de nombreux artistes dont les œuvres sont aujourd’hui accrochées sur les cimaises d’institutions muséales de renoms.
Fière de ses origines grecques, celle qui se définissait comme « la messagère des arts et des artistes », n'eut de cesse d'avoir recours aux mythes, pour verbaliser les événements de tous ordres, de son existence.
Hostile à toute forme d’appartenance et de groupement, elle s’efforça de préserver sa liberté d’action et de pensée. Pourtant, elle apposa sans hésitation, sa signature sur le « Manifeste des 343 salopes », paru dans le Nouvel Observateur le 5 avril 1971. Puis, trois ans plus tard, elle organisa le Micro-Salon Grandes Femmes Petits Formats, exposition consacrée à quatre-vingt-dix-neuf femmes.
Il serait ainsi question d’interroger le féminisme d’Iris Clert, en prenant pour point de départ cette manifestation qui, par ailleurs, apparaît comme une « synthèse » perceptive de l’activité de la galeriste.
séance du vendredi 9 mars 2012
Carole Rieussec est artiste électroacoustique ; depuis 1986, elle compose avec les bruits, les voix et les rythmiques du monde. Après des études interrompues de philosophie à l’université Lyon III, elle a poursuivie, hors institution, une recherche personnelle en esthétique. Elle est membre du duo Kristoff K.Roll ; depuis 1990, avec Jean Kristoff Camps, il/elle créent un labyrinthe sonore à entrées multiples. Elle a créé et co-dirige le Festival international sonorités à Montpellier.
carole.rieussec(at)free.fr
Objet de pensée sonore en mouvement »
Clara Cornil, chorégraphe et le "haut-parleur lumineux" de L'étonnement sonore, crédit photo : Alain Kilar
Les objets de pensée sonore sont des formes transversales qui donnent à réfléchir le monde contemporain depuis l’acte artistique.
L’étonnement sonore est une création électroacoustique, un tissage philosophique de voix féminines qui abordent sensiblement "l’aporétique question" (1) de l’étonnement sonore.
"La mise en frottement de L’étonnement et du qualificatif sonore a été le déclencheur d’un mode de questionnement particulier. De la même façon qu’il m’était impossible de préciser ma question, je ne pouvais que "tourner autour", de la même façon les femmes interrogées n’ont pu me répondre qu’en me délivrant des souvenirs où avait surgi l’étrangeté ; cette étrangeté renvoyant à l’impossibilité de toute réponse. Le tissage musical et philosophique de toutes ces paroles enregistrées s’est élaboré sur plusieurs années."
L’étonnement sonore se décline de multiples façons, il se métamorphose lentement. Dans la pièce pour plateau, la composition électroacoustique est diffusée via un haut-parleur dans le noir. La spatialisation du son - la mise en mouvement du haut-parleur - est confiée à un duo chorégraphe/compositrice. Les déplacements et les manipulations du haut-parleur produisent une "diffusion live" de type analogique. La création d’un prototype de "haut-parleur lumineux" permet ponctuellement de rompre l’obscurité, d’éclairer le corps de la chorégraphe ainsi que des détails de l’architecture ; cette "lumière haut-parlante" matérialise également la diffusion du son, elle fait exister visuellement le haut-parleur. La lumière est ici un paramètre du sonore, elle est aussi "phénoménale" que le son. Son et lumière se projettent d’un même point - exactement.
Johann Maheut et Guillaume Robert sont plasticiens, ils ont conçu ce "haut-parleur lumineux" et la partition visuelle, Clara Cornil est chorégraphe, elle est intervenue sur l’écriture de la spatialisation, Carole Rieussec est compositrice, elle est la conceptrice de cet objet de pensée sonore en mouvement.
C’est une pièce féministe, elle parle de l’oppression des identités féminines dans la fabrication du discours philosophique, elle déconstruit poétiquement le sujet universel du discours philosophique, ce "nous-JE" issu de la politique phallogocentrique. Elle suppose qu’une nouvelle configuration politique est possible, elle est acte poétique et philosophique local.
Composée de multiples couches, cette œuvre dont le regard silencieux est l’énigme, est finalement un hommage au lien maternel électif (c’est à dire non biologique). A partir du récit de la fabrication de cet « objet de pensée sonore », et à l’écoute de fragments de L’étonnement sonore, je proposerai quelques pistes de réflexion autour :
du son / vers une féminisation de la culture
des femmes et de la philosophie / les épistémologies « alternatives »
des avant-gardes musicales et de l’art expérimental sonore actuel / les traces d’une présence féminine
(1) Aporie au sens aristotélicien : "Chez Aristote, l’aporie naît de la mise en présence de deux thèses également raisonnées et cependant contraires. Loin d’être un frein, (…) l’aporie est avant tout une méthode de recherche." (Michel Lambert, Grand dictionnaire de la philosophie, CNRS éditions).
séance du vendredi 10 février 2012
« Plus ou moins sorcières »
Au croisement de l'histoire, de la sociologie, de l'art et de la culture populaire, Plus ou moins sorcières est un projet curatorial qui prend pour point de départ la figure de la sorcière comme métaphore de l'altérité. À travers ce projet, le terme "sorcière" est envisagé comme construction sociale : ça n’est pas tant la praticienne de la sorcellerie qui nous intéresse, mais davantage celle qui est qualifiée de sorcière (par le judiciaire, les médias, les institutions religieuses et l'opinion publique), et ce, au fil des siècles et dans des contextes géographiques variés, pour avoir voulu s'opposer à l'ordre socio-culturel et économique établi. Indépendante, insoumise, non-conformiste et marginale, la dite "sorcière" symbolise ainsi la femme qui prend la parole ; celle qui quitte la sphère domestique au profit de l’arène politique ; celle qui a le contrôle sur son corps et sur ses actions ; celle qui défie la division sexuelle du travail ou encore la binarité du genre.
À travers un cycle d'expositions, de projections, de performances et de conférences organisés à La Maison Populaire à Montreuil sur l'année 2012, la figure de la sorcière sert de prétexte pour aborder sur trois volets respectifs : les appropriations féministes et queer de référents historiques marginaux ; la place et le potentiel du rituel dans la performance et l'organisation politique collective ; et les relations entre sorcellerie et capitalisme dans des contextes allant de l'Afrique aux États-Unis d'Amérique.
Free Forest School, un projet collaboratif mené par Olivia Plender et Patrick Staff et commandé par Radar dans le cadre de Folk Variations
séance du vendredi 13 janvier 2012
Saskia Hanselaar, docteur en histoire de l'art du XIXe, saskiha(at)yahoo.fr
« Jean-Hilaire Belloc, peintre d'histoire et Louise Swanton-Belloc, femme de lettres : un couple hors normes »
Le nouvel ordre social, en mutation depuis les années 1810, impose des conventions à la femme, qui appartient désormais à la sphère privée. Par exemple, Marie Guillemine Benoist, peintre d’histoire et de genre reconnue, doit renoncer à sa position au profit de la carrière de haut fonctionnaire de son époux. Ce choix déchirant semble définir la majorité des relations au sein du couple au XIXe siècle ; pourtant, certains réussissent à s’accommoder de ces codes.
Jean Hilaire Belloc (1786-1866), portraitiste et peintre d’histoire, élève de Regnault, et Louise Swanton Belloc (1796-1881), femme de lettres, première spécialiste de Lord Byron, se marient en 1820 et mettent en évidence l’idéal harmonieux d’un couple tendant à la modernité, voire même à l’avant-garde en ce qui concerne les rôles des deux genres.
À travers les sources disponibles, il sera intéressant de dégager qu’elle a pu être le rôle de Louise Swanton Belloc dans la carrière artistique de son mari, alors qu’elle n’est pas elle-même peintre mais aussi comment cette sollicitude féminine a pu entraîner une attitude moderne et égalitaire dans l’enseignement de Belloc, directeur de l’Ecole gratuite de peinture, de dessin et de sculpture de 1831 à 1866, et dans sa peinture".
Jean Hilaire Belloc, Mme Belloc, sa fille et le peintre, 1831, huile sur toile, musée du Louvre
séance du vendredi 27 mai 2011
« Le fictionnel et le factuel : la ‘narration nomade’ dans l’œuvre de Sophie Calle »
Calle fait de sa vie une œuvre d’art, elle confronte le réel à la fiction, l’intime et le personnel à l’imaginaire. Si elle utilise souvent des histoires qu’elle a vécues, ses écrits, rédigés sur le ton de la confidence, fonctionnent quelque part grâce à l’ingénuité volontaire du lecteur-spectateur.
Son œuvre demeure soi-disant auto-bio-graphique.
Comment se présente la narration à travers la photographie et le texte de Calle ? et que présente-t-elle ?
Sophie Calle, Filature, 1981
séance du vendredi 13 mai 2011
« Cartographies narratives »
La cartographie se réfère traditionnellement à l’acte de représenter l’espace et les rapports spatiaux et de transformer une complexité multidimensionnelle en un ensemble de lignes de séparation. La cartographie répond ainsi à la necéssité de décrire et de contenir la diversité et la multiplicité sur une surface plane.
Par rapport à la dimension normative de cette "raison cartographique", on a pu constater, récemment, un intérêt grandissant pour les questions de la carte et de la géographie dans l’art contemporain. Dans ce cadre, ce que j’essaie de définir comme une "cartographie narrative" ne se réfère pas exclusivement à des réappropriations critiques de la carte en tant que telle, mais à des pratiques artistiques qui pensent la géographie, l’espace, les lieux et les frontières à travers des expériences subjectives.
Dans le travail d’artistes comme Bouchra Khalili ou Alejandra Riera, la dimension politique du déplacement s’entremêle aux narrations subjectives : une manière de réinventer la relation entre lieux et sujets.
séance du vendredi 29 avril 2011
« Repolitiser les corps : la post-pornographie dans la scène artistique espagnole »
Pour la première fois, au XXIe siècle, prolifèrent des images et des discours sur la sexualité produits par des femmes. Cette mutation est liée à l'émergence de la post-pornographie, un mouvement social, artistique et activiste qui aborde, depuis des positions radicales dissidentes, les questions de genre et de sexe. Née des féminismes sex-positive, du transféminisme et des stratégies queer (1), la post-pornographie critique les formes contemporaines de production capitaliste de l'existence. Une production qui se tient à tous les niveaux : économique, visuel, sexuel, affective, corporel, relationnel...
En Espagne, une diversité d'artistes et de collectifs se déploie depuis les années 2000, dont Diana J. Torres, Post-Op, Quimera Rosa et IdeaDestroyingMuros. Sous la forme de réseaux horizontaux (non hiérarchiques), ils s'attèlent à la création de nouvelles représentations et discours sur le corps, les genres et les sexualités. Ces manifestations artistiques expérimentales envisagent le corps et la sexualité comme des lieux privilégiés d'intervention politique. Le but est de créer de nouveaux imaginaires capables de modifier des schémas esthétiques, culturels, sexuels et émotionnels légitimés par des siècles de rigidité.
En rejetant toute essentialisation catégorielle fermée, ces artistes critiquent les binarismes qui organisent nos vies : homme/femme, nature/artifice ou privé/public. Ainsi, prothèses, imagerie technologique et médicale, BDSM, musique ou sexe public deviennent des moyens d'affirmation existentielle de corps non hégémoniques. Dans le cadre d'une autogestion au contexte précaire, et à l'aide de technologies low tech, ils diffusent librement et gratuitement leurs productions multidisciplinaires, où se rencontrent l'art, l'activisme et l'élaboration théorique.
Diana J. Torres, Quimera Rosa, Post-Op, TokioSS, Pichi, Mistress Liar, « Pelea de perras » (« Bagarre de chiennes »), Centre Hangar, Barcelone, août 2008, dans le cadre de l'événement Generatech (photographies d'Amie Tetlowsky et Iris Segundo)
séance du vendredi 8 avril 2011
Si les oeuvres de certaines artistes contemporaines britanniques comme Zarina Bhimji, Zineb Sedira ou Mona Hatoum circulent au niveau local et international, d’autres artistes pourtant très prolixes depuis les années 1980 sont beaucoup moins visibles comme Sonia Boyce, Ingrid Pollard ou Chila Kumari Burman. Lubaina Himid a pourtant pris en main la scène des "Black women artists" en réalisant de nombreuses expositions au moment même ou naissait le mouvement du Black art britannique, notamment Into the Open, Mappin Gallery, Sheffield, 1984 ou The Thin Black Line à l'ICA, Londres, 1985.
Dans un article publié en 2005, elle demandait :
"Est-ce que nous avons laissé faire ? Est-ce que nous pensions avoir remporté la partie ? Est-ce que nous nous rendions invisible les uns les autres ? Quelle était donc la stratégie ? Est-ce que nous avons fait confiance à l’Arts Council ? Nous avons créé quelque chose, nous lui avons donné un nom et ensuite nous avons accepté qu’il soit débaptisé et déconstruit".
Les artistes femmes britanniques se distinguent par leur volonté de s’attaquer à une essentialisation du sujet noir, tout en interrogeant la place, le rôle et les représentations de la femme, en regard d’un "black feminism".
séance du vendredi 25 mars 2011
« Pina Bausch, Rebecca Horn : performer l’altérité »
Artiste plasticienne, Rebecca Horn (née en 1944 en Allemagne) réalise en 1978 son premier long métrage : Der Eintänzer (le danseur mondain ou le danseur solitaire), une fiction jouée par des acteurs et intégrant également des objets et des sculptures mécaniques. Des images, grotesques et poétiques à la fois, évoquent différentes figures de la danse.
Chorégraphe, Pina Bausch (née en 1940 en Allemagne) réalise quant à elle en 1989 son unique film intitulé Die Klage der Kaiserin (La plainte de l’impératrice), une succession de scènes d’extérieur et d’intérieur où les corps des danseurs évoluent dans des situations incongrues.
Au delà de ce passage commun par le médium filmique, et au delà des similitudes formelles, de grands thèmes traversent l’univers artistique de ces deux artistes : la difficulté à entrer en communication avec l’autre, l’errance, le déplacement et le dépassement des sexes, la séduction. Mais surtout, s’affirme une manière particulière de performer l’altérité, de l’éprouver: à travers le corps et l’expérience; à travers de grands archétypes. Ne pourrait-on voir dans ces figures du geste dansé la réactivation de mythes relatifs à l'altérité tel celui de Tirésias?
Pina Bausch, Die Klage der Kaiserin, 1989
séance du vendredi 11 février 2011
« José Pérez Ocaña : mise à nu et postravestisme »
Durant les années 1970 José Pérez Ocaña se déploie comme une des figures les plus notables de la Rambla barcelonaise. Sa popularité croîtra grâce au scandale et la provocation constante mais, surtout, en raison de la curiosité qu’il suscite au sein d’une société perplexe.
Le documentaire que Ventura Pons lui consacra en 1978 (Ocaña, retrato intermintente) n’est que l’exemple ultime de l’intérêt pour ce personnage dans les media. Lui, qui voulait être reconnu comme peintre, devint vite très célèbre par ses déguisements et une tendance à se déshabiller en public ; mais malgré son style naïf, qui ne correspondait pas à une génération consacrée au conceptuel, ses expositions vont connaître aussi un succès populaire inattendu.
Pourtant, ce qui nous intéresse chez Ocaña est sa façon particulière d’interpréter le travestisme dans un contexte culturel ou le corps trans était devenu un spectacle commercial. Au moment même où d’autres artistes comme Urs Lüthi ou Walter Pfeiffer vont explorer les possibilités expressives de ce corpus visuel, Ocaña nous offre sa vision du genre entre la saynète, le stéréotype andalou et le show de variétés.
Ocaña à Berlin, 1979
séance du 28 janvier 2011
« L’abject dans l’œuvre de Lygia Clark »
Les propositions de Lygia Clark ont placé l’expérience artistique dans le domaine de la vie transformant ainsi la structure des trois entités artistiques – l’artiste, l’objet médiateur et le spectateur – et incarnant organiquement un processus où l’expérience vécue et la pensée seraient totalement interdépendants et inséparables. Entre les années 1972 et 1976, Lygia Clark a travaillé comme professeur invité de la Sorbonne ; dans son cours annuel elle a retrouvé des conditions pour transmettre ses propositions d'expérimentation corporelle. À partir d’objets sans valeur tels que des élastiques, des cailloux, des coquillages et des sacs plastiques, Clark concevait des objets sensoriels dont le toucher provoquait des sensations susceptibles d’être associées au corps. Clark proposait avec de tels objets la Nostalgie du corps : le corps fragmenté, mutilé pour mieux se reconnaître à travers le toucher ; la régression du sujet amené à prendre conscience de son propre corps.
On considérera ici le concept d’abject corporel de Julia Kristeva, étudié dans Pouvoirs de l’horreur, comme une approche possible pour les propositions artistiques collectives telles que Bave anthropophagique et Cannibalisme. Quelques expériences sensorio-corporelles de Clark proposent un vrai retour à l’expérience de l’abject corporel, état antérieur à la formation du sujet et à la construction du langage.
En lien avec cette réflexion sur la compréhension sensorio-corporelle de Lygia Clark et le concept d’abject de Kristeva, j’ai développé un projet artistique intitulé "revêtez-vous de mes cheveux". À partir de la proposition de s'approprier les vêtements capillaires, surgit un univers de possibilités artistiques collectives. L’expérience avec l’abject corporel capillaire est capable de provoquer chez le participant une sorte de subjectivité corporelle primitive, état antérieur au langage, non-représentatif et pré-symbolique.
Lygia Clark, Bave anthropophagique, 1973
Daniella de Moura, Revêtez-vous de mes cheveux, 2009
séance du vendredi 14 janvier 2011
Judith Ferlicchi, historienne de l'art, judithferlicchi(at)hotmail.com
En 1933, Amrita Sher-Gil a vingt ans, vit à Paris avec son père, indien, sa mère, hongroise et sa sœur. Elle étudie à l’école nationale des Beaux-Arts depuis 1929 mais en 1934 elle décide de retourner en Inde, motivée par l' "intérêt pour son développement artistique" mais aussi par sa prise de conscience de son altérité.
Dans sa riche correspondance, elle n’eut de cesse de commenter les raisons de ce retour, des raisons qui paraissent a posteriori évidentes en regard de l’évolution de son œuvre. Mais à partir de portraits photographiques et d’exemples choisis parmi ses tableaux nous tenterons de comprendre pourquoi elle s’est tant expliquée, pourquoi elle a souvent du justifier ce choix, ses choix ? Pourquoi, alors qu’elle était au cœur des avant-gardes, elle eut ce désir d’Inde ? Baignée dans une culture artistique eurocentrée, quel fut son regard sur la société indienne ? européenne ? Y eut-il transition et comment s’opéra-t-elle ?
Son projet artistique fut brutalement interrompu en 1941, alors qu’elle décéda dans sa vingt-neuvième année. Pourtant, Amrita Sher-Gil fut très tôt considérée comme une figure majeure de la modernité artistique indienne et aujourd’hui sa personne ainsi que son œuvre sont entourés d’une aura toute particulière. Aussi, cette présentation interrogera l’image qu’elle a elle-même véhiculée et la formation de son identité d’artiste femme ainsi que ses résonances dans les problématiques de l’art moderne indien. Finalement, Amrita Sher-Gil est-elle [devenue] "un grand peintre" ?
Amrita Sher-Gil dans son atelier, 1937
(1) Extrait d’une lettre en français d’Amrita Sher-Gil à Denise Proutaux en 1933.
séance du vendredi 10 décembre 2010
Dès 1957, Hermann Nitsch pose l’assise théorique de son concept d’œuvre d’art totale – le Théâtre des Orgies et des Mystères. Au-delà d’une critique de la société autrichienne contemporaine, le Théâtre s’inscrit dans un projet plus large "d’art sacré" où l’art et la vie se confondent. Le Théâtre des Orgies et des Mystères, joué en 1998 le temps de six jours et six nuits consécutives dans la propriété de l’artiste à Prinzendorf (Autriche), s’organise en une succession d’actions au sein desquelles le corps tient une place centrale, au service de rituels empreints d’un caractère profondément sacré.
Pour H. Nitsch, "le processus de création et le Théâtre doivent contribuer à former une unité avec le tout" afin "d’en finir avec la séparation entre immanence et transcendance." (Interview Hermann Nitsch, Das aktionstheater des Hermann Nitsch zwischen herkunft und zukunft, DVD, Edition Kröthenhayn, 2006.). Dans cette optique, le corps ritualisé peut être envisagé comme l’instrument privilégié de cette réunion.
séance du vendredi 26 novembre 2010
Mylène Bilot, Master 2 recherche création et étude des arts contemporains
(sous la direction de Véronique Goudinoux)
, arts visuels et plastiques, Lille 3, département arts plastiques, Tourcoing
« De l'Amazone à la culturiste: défier le genre »
L'Amazone et la culturiste, la "femme guerrière" et la "femme virile" : des expressions qui, dans la pensée androcentrée occidentale, tiennent toutes deux de l'antithèse. La figure féminine de l'Amazone, animée d'une "trouble sensualité"(1), incarne l'équivocité par excellence. Qu'elle soit mythologique ou bien réelle, elle suggère une non-mixité active et une affirmation de son autonomie. La culturiste quant à elle, en développant son volume musculaire suivant une discipline conçue pour l'exposition et la progression de la masculinité, concourt à façonner une "féminité virile", qui trouble le stéréotype de genre.
La "féminité virile", aussi équivoque soit-elle, ne pourrait-elle s'appliquer à la figure de la culturiste autant qu'à celle de l'Amazone ? En quoi ces deux figures féminines pourraient-elles être liées et/ou différenciées ? Pourrait-on voir, dans la culturiste, une Amazone moderne ?
C'est à partir d'oeuvres plastiques contemporaines que sera abordée l'hypothèse d'un travail de régulation et de transgression du corps qui s'opère dans la pratique du "culturisme féminin".
Robert Mapplethorpe, Lisa Lyon, 1982
(1) Nicole G. Albert, « Penthésilée 1900 ou Les Amazones du nouveau siècle », in Gyonne Leduc (Dir.), Réalité et représentations des Amazones, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 91
séance du vendredi 18 juin 2010
« La couleur, ventriloque des émotions au siècle des Lumières »
À la fin du XVIIe siècle, Philippe de Champaigne définit la couleur par rapport au dessin. La couleur est alors ce qui fait référence aux émotions car elle possède la propriété de toucher le cœur. Le dessin, au contraire, exprime la raison et devient le garant, dans les arts, du pouvoir royal. Lorsqu’il ne s’agit plus d’exprimer l’État et ses valeurs à travers les arts, la couleur se fait plus sensible et prend une signification particulière. Les théoriciens du siècle des Lumières vont reprendre ce principe et tenter de définir sa valeur et ses effets. Pour les uns, elle va devenir l’expression d’une sensibilité qui échappe à toute règle, pour les autres, elle composera l’âme de la peinture, car seule la couleur permet d’exprimer le vrai : "c’est le dessin qui donne la forme aux êtres ; c’est la couleur qui leur donne la vie. Voilà le souffle divin qui les anime" (Denis Diderot, Essais sur la peinture, Paris, 1795).
On verra que la couleur constitue le mode d’expression d’une sensibilité dissimulée au regard dans les toiles destinées au Roi et à son entourage, notamment à travers l’exemple des décors peints du Petit Trianon de Versailles (1769) mais aussi celui des Salons de 1798 et 1799. Quelle fut la réception d’une telle pratique par les critiques d’art officiels ? Comment les écrits issus de la presse féminine se positionnent par rapport à ces définitions de la couleur ? Est-ce que la couleur s’adresse avant tout à la femme ?
Adonis changé en anémone, Nicolas-Bernard Lépicié, 1769, huile sur toile, 88 x 140 cm, Versailles, Petit Trianon, salon de compagnie.
Jean-Loup Korzilius, Maître de Conférence en Histoire de l'art, Université de Besançon, jean-loup.korzilius(at)univ-fcomte.fr
« Que sont devenues les allégories de la Peinture et de la Couleur ? »
Curieusement, l'histoire des représentations allégoriques de la peinture reste encore à écrire. Thème quasi obligatoire pour tout peintre de l'époque classique, mais disparaissant très vite au cours du XIXe siècle, elles n'ont suscité que très peu d'analyses et - forcément - encore moins de réflexions de type 'genders'. Or il y de la matière pour cela, car l'allégorie de la Peinture et, sa variante, l'allégorie de la Couleur, outre leur destin iconographique particulier, surprennent aussi en ce qui concerne leur association à un genre précis.
Il s'agira donc de verser des éléments à un dossier encore à constituer, et de proposer des pistes de réflexion sur la métamorphose de la "représentativité" de la peinture et la couleur à l'époque contemporaine où la question du genre se pose apparemment de façon beaucoup claire.
Cercle de Chevreul
séance du vendredi 11 juin 2010
Christine Chatelet, master 2 histoire de l'art, les grandes mutations culturelles artistiques, option art contemporain, christinechatelet(at)yahoo.fr, http://lagaleriedebibi.free.fr
Cette session est l’occasion pour moi de tenter succinctement, en quelques œuvres, une lecture autour de la pratique du "nu auto-photographique"* dans mes travaux personnels de Bibi photographie à Corridors intimes, en tentant d’expliciter le parcours d’une investigation artistique alors centré sur le devenir femme d’une apprentie-artiste. Le travail d’investigation, sur lequel s’appuie cette présentation, est un "work-in- progress" de longue haleine intitulé sobrement : Bibi photographie. Seule la première période réalisée en argentique noir et blanc (1996-2001) sera analysée en raison de sa résonnance particulièrement importante dans la genèse de l’ensemble de mon œuvre. Je dis poétiquement de cette période auto-photographique intense, qu’il s’agit de "l’histoire d’un myosotis qui voulait devenir rouge amaryllis"…
Le cadre de la démonstration se veut à la fois profond et simple, proche d’une rencontre. Il s’appuie sur le désir de témoigner d’un parcours, d’un vécu personnel et artistique du nu auto-photographique et de ses implications dans l’étude du genre en histoire de l’art.
*Le "nu auto-photographique" est une expression elliptique formulée comme hypothèse de travail, désignant un corpus d’œuvres et d’artistes contemporains pratiquant de singuliers autoportraits photographiques, en s’auto-portraiturant nus.
Fil d’Ariane, août 2008 (broderie sur Bibi photographie N°I002, 1996), 30x40 cm, 44GR
séance du vendredi 28 mai 2010
« Identité et Transformation, la Danse intempestive d’Harald Kreutzberg »
Harald Kreutzberg (1902-1968) appartient à la génération de danseurs allemands que l’Histoire de la danse réunit sous une même esthétique : la « danse d’expression allemande ». Il prend ses premiers cours de danse à l’école de Dresde de Mary Wigman en 1921 et il quitte progressivement la scène à la fin des années 50.
« Une impression était inhabituelle : il n’y avait aucun sentiment de sexes ». Ce commentaire du critique Lewis J. Hexter suite à une représentation de Kreutzberg en 1931, est caractéristique de l’impression trouble que les rôles, les mouvements, la stature ou encore l’apparence esthétique de Kreutzberg ont pu provoquer chez la critique.
Cette difficulté à nommer une identité sexuelle de sa danse a été confrontée à un double évènement : la remise en cause du statut de l’homme danseur amorcée par la danse d’expression allemande dès les années 10 et la revalorisation du bellicisme et de l’image de l’homme guerrier comme recréateur de la nation qui correspond à la montée et l’affirmation des idéaux nationaux-socialistes.
A travers l’exemple de Kreutzberg, nous essaierons donc de problématiser les questions relatives au genre et à l’identité masculine dans la danse d’expression allemande en regard avec le contexte esthétique et politique allemand des années 30.
séance du vendredi 7 mai 2010
« Conduite sociale, rite de passage et différenciation sexuelle à travers l’analyse d’un film israélien : My father, my lord de David Volach »
Nous pouvons constater depuis les 40 dernières années, une remise en question profonde de la société israélienne à travers son cinéma. Le projet sioniste, l’immigration, l’occupation en terre palestinienne et les nombreuses guerres qui s’en sont suivies ont contribué à faire naître une pensée autocritique. La figure de l’Autre (femmes, palestiniens, minorités ethniques et sexuelles) s’en trouve mieux représentée à l’écran, non plus comme contrepoint d’une glorification exagérée du Pionnier puis du Sabra Israélien mais comme personne à part entière à qui l’on rend son humanité, ses désirs, ses pensées, ses besoins. Le héros n’est plus cette figure masculine ultra virilisée qui défriche et féconde la terre et les femmes, lutte contre l’ennemi, se confond avec cette nation que l’on cherche à modeler à tout prix. Le héros est l’Arabe, la Femme, le Juif est l’étranger qui a du mal à s’intégrer.
La jeune génération de cinéastes, prenant leçon sur le courant de la Nouvelle sensibilité (sorte de nouvelle vague israélienne qui s’est développée dès les années 60)et le cinéma des Bourékas, (cinéma populaire), montre la société israélienne dans toute sa diversité, et sa complexité. Pour cela ils se réapproprient ces corps, les représentent de manière plus libres, dégagés de toute propagande et remettent en question les normes sociales, culturelles, sexuelles qui assujettissent l’homme d’une manière générale à la loi religieuse, à la loi du père, à celle de l’oppresseur.
Pour cette courte intervention, je m’en tiendrai à l’analyse d'extraits du film de David Volach, qui est une synthèse des trois composantes de ma recherche : la conduite sociale, le rite de passage, la différenciation sexuelle. L’histoire, du point de vue d’un jeune garçon de 6 ans traduit avec justesse l’exercice des contraintes sociales à l’œuvre dès le plus jeune âge d’un garçon juif, afin d’en faire un « grand homme » (mensch).
David Volach fait partie de cette jeune génération émancipée. Issu d’une famille juive ultra-orthodoxe de Jerusalem, il s’en est dégagé à 25 ans après avoir entamé un long processus de laïcisation. Apostat (ultra-orthodoxe devenu laïc), il a suivi une formation en cinéma à l’école de Tel Aviv. My father est son premier long-métrage qu’il signe à 38 ans.
My father (vacances d’été en hébreu) raconte, à hauteur d’enfant, la découverte et la transgression des normes du père dans un univers juif ultra-orthodoxe le temps d’un été. Menahem, garçon de 6 ans va bientôt faire sa Bar Mitzva (troisième rite qui consacre l’homme dans la religion juive après la circoncision (brit Milah) et la coupe de cheveux (Halakah) à trois ans qui opère une mutation physique et émotionnelle profonde chez l’enfant mâle). Fils de parents agés qui le chérissent, il se heurte pourtant à la rigidité du père qui cherche à lui inculquer les préceptes de la Torah. Menahem, qui est un enfant, regarde le monde avec émerveillement, sans appréhension. Toutefois, son attitude est systématiquement contrée par son père, qui voit en chaque geste une manifestation de Dieu et en chaque acte, une illustration de la loi, qui va à l’encontre de l’humanisme, de l’autre, de la sensibilité de la vie.
séance du vendredi 9 avril 2010
« Crises des masculinités. Le Sâr Péladan et la réception de l'idéalisme Rose-Croix au passage du siècle »
L’organisation des Salons de la Rose-Croix, en 1892, par le très fantasque Joséphin Péladan va déterminer un pan important de l'esthétique idéaliste du symbolisme fin-de-siècle. La réception critique est plutôt féroce, volontiers sarcastique devant les possibles déviances sexuelles d’un idéalisme platonisant, avec pour idéal la figure ambiguë de l'androgyne décadent, flanquée de l'excentricité dandy de son mentor, le Sâr Péladan. L'image d'un homme nouveau, débarrassé des polarités sexuelles, efféminé et célibataire, nourrit le fantasme d’une possible crise de la masculinité, celle relayée dans les journaux et la caricature de l’époque (épisode du Chat Noir, réception de la littérature symboliste), s’appuyant sur les récents développements de la médecine légale (lutte contre l'onanisme et les perversions sexuelles) et de la criminologie (contrôle de la prostitution et des vices contre-nature).
L'objet d'une étude sur la réception non artistique, mais sociale du salon symboliste de la Rose-Croix, permet d’identifier le rôle de ces activités artistiques dans l’émergence d'un nouvel ordre sexuel au passage du siècle. Sa définition corrobore le développement d'une construction sociale de l'homosexualité, en Allemagne et en France (hermaphrodisme de l'âme de Karl Heinrich Ulrichs, troisième sexe de Magnus Hirschfeld et psychologie sexuelle de Richard Von Krafft Ebing), symptôme s'il en est d'une peur masculine de la perte de la virilité. Il s'agit ainsi de voir comment la personnalité du dit 'décadent' Joséphin Péladan provoque, malgré les attendus de sa théorie androcentrée, une série de réactions crispées, liées à la misogynie ambiante, et de comprendre les ressources de sublimation mises en place par les propres milieux symbolistes. Cette étude frontale des rapports entre émergence clinique de l'homosexualité et évasion idéaliste de la figure androgyne, place le débat symboliste dans une utopie réactive, trop souvent considérée comme simplement passéiste.
séance du vendredi 26 mars 2010
Francesca Martinez Tagliavia, doctorante, martineztagliavia(at)yahoo.it
« De la mimesis à l’agency : où/quand/comment situer la puissance subversive de la figuration d’un Autre ? »
Mimesis, catachrèse, ressemblance, métonymie, chiasme : on passera en revue certaines de celles que l’on peut nommer des « figures de la subversion », des figures rhétoriques ou figures de style qui transitent des discours aux représentations visuelles féministes, en prenant nos exemples de Blob, programme télévisuel Italien. Ceci pour comprendre – dans une ébauche de réflexion soumise à toute critique – quelle est la position qui soutient ce type de stratégies et quelle alternative poser à la mimesis (défendue par Luce Irigaray) comme stratégie de réappropriation et de subversion féministe de la représentation.
La position de Judith Butler (notamment à partir de Ces corps qui comptent, De la matérialité et des limites discursives du sexe) nous aidera à déplacer la question de la représentabilité de l’Autre sexuel, racial et culturel en termes de mouvements, de performativité et d’agentivité des figurations, c'est-à-dire en termes d'action et non de passion, en une perspective politique, et non rhétorique. Le but de ce bref exposé est celui de poser certaines des questions actuelles – non pas d’assurer des réponses – et de discuter activement de l’utilité d’une position plutôt que d’une autre.
Blob, « Cronicario », RaiTre, 31 décembre 2009
bibliographie
bibliographie acegami http://biblioacegami.blogspot.com
La séance du vendredi 12 mars 2010 a été consacrée à la finalisation du projet de bibliographie raisonnée engagé depuis 2006-2007.
séance du vendredi 12 février 2010
Vanina Géré, Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, vaninagere(at)gmail.com
La pratique de l’artiste afro-américaine Kara Walker n’est pas de celles qui nous laissent en paix avec nos émotions. Ses œuvres nous mettent face aux contradictions de notre position par rapport à une Histoire chargée des stigmates de la violence raciste et sexiste. Ses silhouettes sur papier découpé, qui l’ont rendue célèbre, semblent empruntées à des livres d’histoires, mais l’Histoire qu’elles racontent est au final celle du traumatisme laissé par des siècles d’esclavage et de discrimination raciale, de colonisation et d’impérialisme. Bien loin d’être une artiste engagée au sens militant du terme, Walker traite de la violence et de son spectacle sur le mode de l’ambivalence, cherche à nous séduire pour mieux nous piéger, en nous montrant de belles images pour mieux nous horrifier ; elle nous fait une douce violence pour nous donner mauvaise conscience, sans toutefois chercher à résoudre le conflit qu’elle suscite entre plaisir et dégoût. En ce sens, son art construit les spectateurs comme sujets postmodernes par excellence, pris dans l’oscillation entre fascination et répulsion, prise de conscience et mise à distance, tel que le décrivait Hal Foster dans The Return of the Real. Walker force le sujet hors de la position postmoderne pour l’y ramener par la suite, dans un mouvement circulaire qui trouve son écho dans ses installations-cycloramas ; elle utilise les stratégies du postmodernisme, mais ne nous permet pas de savoir dans quelle mesure son œuvre prend part au postmodernisme comme force de résistance, ou comme constat d’impuissance.
Les premières installations de silhouettes stéréotypes sur papier découpé en noir et blanc qui ont marqué le début de la carrière de Walker fonctionnaient comme un véritable "test de Rorschach", mettant le spectateur face à la contamination de sa propre conscience, en signifiant l’impossibilité pour le sujet contemporain d’échapper à l’imagerie raciste et sexiste. Face à un tel projet, cependant, l’imagerie de Walker poserait problème dans la mesure où elle courrait le risque de perpétuer les représentations déshumanisantes propres au racisme et au sexisme, et il faudra examiner l’utilisation qu’elle fait des artefacts éminemment kitsch que sont les caricatures racistes, pour enfin poser la question du rapport du sujet postmoderne face à l’Histoire qui ne saurait être que récit, et au réel qui ne saurait être que spectacle.
Kara Walker, Somebody Call an Ambivalence, 2007, courtesy the artist and Sikkema Jenkins and Co
séance du vendredi 22 janvier 2010
Sofiane Taouchichet, doctorant en histoire de l'art, Paris Ouest Nanterre La Défense, Milieux, Cultures et Sociétés du Passé et du Présent, sofiane.taouchichet(at)hotmail.fr
« Connaît-on les images du passé colonial ? »
L’adoption par l’Assemblée nationale, le 23 février 2005, de la "colonisation comme une œuvre positive" ouvre un nouveau chapitre passionnel entre la France et son passé expansionniste. Le vote de 2005 installe officiellement dans l’espace politique français l'œuvre coloniale. Cependant, la loi privilégie une mémoire contre une autre. Par exemple, en indemnisant les anciens activistes de l'OAS (cf. loi n° 2005-158 du 23 février 2005 article 13), on observe une prise de position institutionnelle de la mémoire nationale. Dans le camp adverse, à l'exemple de Indigènes, une contre-argumentation se forme. Ainsi, le film de Rachid Bouchareb laisse sous-entendre certains non-dits sur la colonisation. L'historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d'Algérie et de la question coloniale, souligne et développe cette nouvelle guerre des mémoires.
Au milieu des débats houleux, où les douleurs enfouies et les arrière-pensées politiques sont présentes, l'image est régulièrement convoquée. Illustrant tour à tour les rêves nostalgiques et les exactions coloniales, les représentations de ce moment d'histoire portent, bien souvent, de lourdes critiques négatives. Cependant, connaît-on les images du passé colonial ?
Il existe une littérature récente sur l'iconographie coloniale. Depuis les années 1990, les différentes études de l'ACHAC, comme Images et colonies : propagande coloniale sur l'Afrique française de 1880 à 1962 ; De l'indigène à l'immigré, offrent une réflexion sur les productions visuelles issues de cette période. Pourtant, plusieurs interrogations, méthodologiques et intellectuelles, émergent. En effet, les travaux s'axent prioritairement sur le couple image/idéologie. On observe également un manque sur la réalité des productions iconographiques issues du phénomène. Enfin, hormis certains travaux d'historiens d'art, à l'exemple de Lynne Thornton, Les peintres africanistes, peintres voyageurs : 1860-1960, les études restent globalement le fait d'historien.
De ce fait, nous proposons une relecture de l'image coloniale. En nous concentrant principalement sur la presse illustrée d'information généraliste, média majeur pour le XIXe siècle, il s'agit de comprendre les difficultés de lecture inhérentes au corpus, puis d'aborder plus amplement deux revues, L'Illustration journal universel et Le Petit Parisien supplément littéraire illustré. Enfin, au travers de la mise en image de la conquête du Dahomey, nous observerons les différentes pratiques médiatiques pour illustrer le phénomène expansionniste français.
Finalement, la difficulté est de considérer les représentations de la presse illustrée uniquement pour ce qu'elles montrent. Une lecture superficielle, c'est-à-dire appréhender une image exclusivement au travers des éléments visuels biaise la réception. Ainsi, notre communication ambitionne d'abord de recréer l'environnement des périodiques, puis de comprendre son rapport avec les actualités coloniales.
Image colonialiste ou anticolonialiste ?
« Deux d'un coup !… C'est superbe ! Tu auras la croix !
La gravure de Gustave-Henri Jossot (Abdul Karim Jossot) est extraite de L'Assiette au Beurre, n°144, 2 janvier 1904. Dressage. Elle orne également la couverture de l'ouvrage de Claude Liauzu Histoire de l’anticolonialisme en France du XVIe siècle à nos jours.
séance du vendredi 8 janvier 2010
« Cut Piece de Yoko Ono : La colère de Bouddha »
En 1964, Yoko Ono marque l’histoire de l’art en présentant pour la première fois l’action Cut Piece à Kyoto au Japon. Assise sur scène, immobile, impassible, elle invite le spectateur à découper un morceau de ses vêtements. À travers cette action formellement simple mais radicale qui relève de l’expérience, Ono manie des concepts complexes et adresse un message fort. Par la double provocation du don de son corps et de la référence à la figure du Bouddha, elle réalise un acte politique d’une puissance toujours effective.
En référence à la méditation silencieuse qui constitue le zen, l’action expérimente le lien entre le corps et l’esprit. L’utilisation du corps comme médium de l’œuvre est liée à l’expression d’une violence subie et redistribuée. Le corps vidé, dont ne reste selon l’artiste qu’une "pierre", devient stigmate d’une colère intériorisée. C’est la force silencieuse d’Ono alliée à l’exhortation du spectateur d’agir qui produit l’extériorisation de la violence. L’artiste fait l’expérience volontaire de la soumission à l’agressivité du geste de dénudement et du regard anonyme posé sur son corps, progressivement révélé jusqu’à son essence.
L’expérience du vide corporel permet d’appréhender l’intensité du monde intérieur et ses tensions, notamment le malaise relatif au genre. Avec la transcendance du Bouddha, en position d’Autre face au spectateur, elle interroge sa condition d’artiste et de femme, mais aussi de toutes les femmes. Elle révèle une vulnérabilité impassible troublante qui se retourne telle une arme contre le spectateur. En dénudant l’artiste c’est la pulsion de domination du spectateur qui lui est renvoyée comme devant un miroir. La personnalité du spectateur se dévoile dans sa manière de découper le vêtement (avec douceur ou agressivité).
La critique de la position de la femme, la réflexion sur le genre font de Cut Piece une action de référence de l’art féministe. L’artiste qui ne revendique pas une position féministe dans le processus de création de l’œuvre intègre néanmoins progressivement cette lecture de l’œuvre. L’action, sans cesse en mutation au fil de ses nombreuses représentations, est en dialogue constant avec la réception critique. Cut Piece est également un rituel destiné à renforcer la relation de l’esprit avec le monde extérieur, à opérer la mutation de l’idée en acte, à rationaliser l’irrationalité en soi.
séance du vendredi 11 décembre 2009
Séance consacrée à la mise en commun de références et d'outils de travail:
- présentations, sous forme de résumés assez courts, de textes, articles ou ouvrages (plus ou moins connus) permettant d'aborder sous un angle particulier la question du genre ou des rapports coloniaux dans l'art
- reprise du projet de bibliographie raisonnée élaboré les années précédentes
séance du vendredi 27 novembre 2009
« Du surhomme au non-homme. Visions du corps-machine en temps de guerre »
Cette présentation traite des métamorphoses de l’image du corps masculin pendant la première guerre mondiale. Elle fait partie d’un projet de recherche qui analyse les interactions entre l’activité artistique, le corps et la technologie dans les avant-gardes.
Cette recherche envisage la manière dont les artistes ont imaginé une transformation technologique du corps dans un contexte dominé par la montée en puissance du capitalisme industriel, la mécanisation du travail et la crise des formes artistiques traditionnelles liée à l’émergence des technologies de reproduction des images.
Dans cette présentation, je vais me concentrer sur quelques exemples entre 1913 et 1920 (Marinetti, Boccioni, Ball, Grosz et Heartfield).
Anonyme, Hugo Ball en costume cubiste au Cabaret Voltaire, Zurich, 1916
conférence invitée le vendredi 20 novembre 2009
Conférence de Jonathan Katz
organisée en collaboration avec Terra Foundation for American Art Europe
« 'Flesh Jubilation': Eros in the Art of the Sixties »
Salle Fabri de Pereisc, INHA, 18h-20h
This seminar explores why in the art world of the late 1950s and 1960s, a single, universal human capacity – Eros – was made ground for a global politic of social liberation. As the most direct conduit to the liberatory potential of Eros, a large percentage of art in all mediums within a narrow historical moment beginning in the mid 1950s – in painting, film, theater, happenings, performance – turned on bodily seduction. The movement was short-lived, and by the mid 1960s, the art of the body increasingly took on its familiar cast, reifying essentially differentiated social categories where once the universal ruled. But for a few short years, a diverse group of artists, female and male, queer and straight, as different as Richard Hamilton, Lygia Clark, Franz West, Andy Warhol, Yoko Ono and Carolee Schneemann, produced an art that, in politicizing the body while obfuscating its signs of differentiation, paradoxically helped engender the very contemporary social categories like feminist and queer that now obscure Eros formative and foundational role.
Lygia Clark, The I and You: Clothing/Body/Clothing, 1967
La conférence est en langue anglaise.
Jonathan Katz est un Terra Foundation for American Art Visiting Professor au Courtauld Institute de Londres et directeur du programme doctoral en Études visuelles de l’Université de Buffalo (SUNY). Spécialiste de l’art américain de l’après-guerre dans une perspective “queer”, Jonathan Katz est l’auteur de nombreux essais ; son prochain livre Jasper Johns, Robert Rauschenberg and the Collective Closet: How Queer Artists Came to Dominate Cold War American Art est à paraître chez University of Chicago Press.
journée d'études du samedi 17 octobre 2009
« Subjectivités, pouvoir, image :
L’histoire de l’art travaillée par les rapports coloniaux et les différences sexuelles »
Publication en ligne
Publication en ligne
un partenariat INHA et ACEGAMI, CEHTA/EHESS
Samedi 17 octobre 2009
Salle Perrot, INHA, Paris
9h15 – 17h30
Qu’entend-on par "histoire de l’art"? De quel art retrace-t-on l’histoire? Qui s’en charge? Dans quel cadre culturel? Ces questions mènent inévitablement à considérer l’histoire de l’art comme discours idéologique, valorisant certaines productions et déniant des subjectivités autres : féminines, noires, homosexuelles… Une histoire de l’art occidentale, chrétienne et patriarcale, devrait-on dire? Sans doute.
Pour autant, peut-on parler d’absence de ces altérités? Ne s’agirait-il pas davantage de tentatives d’exclusion et de négociations complexes? Ces subjectivités enfouies ne travaillent-elles pas jusqu’aux œuvres les plus représentatives de la culture dominante?
Cette journée d’études entend repenser la manière dont l’art est traversé par des rapports de pouvoir, lesquels investissent particulièrement les différences sexuelles et culturelles. Elle a pour ambition de dessiner une pratique critique de l’histoire de l’art qui prendrait pour point de départ la singularité que manifestent, sur ces questions sensibles, les œuvres et les images. Ainsi, au lieu de construire une histoire de l’art parallèle fondée sur une héroïsation des exclus, il s’agira d’interroger la production de sens et d’idéologie inhérente au champ artistique et de chercher des formes de résistance dans l’art.
Les questions proprement esthétiques y seront abordées à travers le prisme de l’histoire et du discours afin de mettre au jour un travail à l’œuvre dans l’image. Cette archéologie des forces qui travaillent l’art n’a de sens que si l’on considère que l’image condense et transforme les discours qu’elle soutient, leur opposant toujours sa plasticité. Dans cette perspective, la notion d’interprétation est centrale, permettant de mener l’histoire de l’art au-delà des frontières étroites du positivisme ou/et du formalisme, par une attention portée au lien entre image, sens et idéologie.
Le premier volet intitulé "Colonisations de l’autre" envisagera la relation de l’art occidental à son Autre colonisé, en soulignant la tension entre rapports de force explicites et tactiques souterraines. Dans le second, "Différences sexuelles à l’œuvre", seront analysés les processus de sexuation en jeu dans les théories esthétiques et les pratiques artistiques, et mis en lumière des espaces possibles de déplacement des identités.
Avec Giovanni Careri (EHESS/CEHTA) et Zahia Rahmani (INHA), présidents de séances, et les interventions de : Livio Boni, chargé de recherche à l'Université de Paris VII Denis Diderot, Anne Creissels, chercheure associée au CEHTA, Ana Cecilia Hornedo Marin, professeure à l’École Spéciale de Travaux Publics –ESTP- Paris, Jean-Loup Korzilius, maître de conférences à l’Université de Franche-Comté à Besançon, Anne Lafont, conseillère scientifique à l'Institut National d'Histoire de l'Art, Shalini Le Gall, docteure en histoire de l'art, Magali Le Mens, chercheure rattachée au laboratoire CIRHAC de Paris I Panthéon-Sorbonne et Giovanna Zapperi, chercheure associée au CEHTA.
direction scientifique : Anne Creissels et Giovanna Zapperi, fondatrices de ACEGAMI en collaboration avec Zahia Rahmani, INHA, programme « Art et mondialisation »
séance du vendredi 22 mai 2009
Séance consacrée à la nouvelle présentation thématique des collections du Musée national d’art moderne :
«elles@centrepompidou. Artistes femmes dans les collections du Centre Pompidou »
Présentation du projet par David Bouchet
Discussion avec la participation d’Élisabeth Lebovici
séance du vendredi 27 mars 2009
Émilie Giaime, doctorante à l’EHESS, emilie.giaime(at)yahoo.fr
« Séduction : discours et représentations »
Parmi les dispositifs actuels qui structurent les représentations et imposent les usages légitimes des corps pour produire "ces artefacts sociaux que sont un homme viril ou une femme féminine" (Bourdieu), le cinéma tient une grande place. Selon la théoricienne féministe Teresa de Lauretis, "il ne fait guère de doute que le cinéma – l’appareil cinématographique – est une technologie de production du genre", car son dispositif "contribue à la production de positions de sujet et à la fabrication – plus rarement à la déconstruction – des identités sociales et genrées".
De façon plus insidieuse, les discours abstraits ou "savants" produisent, tout autant que les films, des représentations. Lorsqu’ils touchent aux identités et aux relations de genre, ils ont un impact symbolique fort : ils façonnent des assignations, suggèrent des aspirations différenciées entre masculin et féminin, comme le souligne Monique Wittig dans La pensée straight.
C’est par le prisme de la séduction, envisagée comme un passage obligé à l’intérieur cette "relation obligatoire entre 'l’homme' et 'la femme'", que cette intervention investira le champ de l’hétérosexualité – son imaginaire et son expérience. En effet, "comme métaphore du désir, la séduction est apprentissage et ritualisation des hiérarchies entre masculin et féminin" (Florence Rochefort, Séduction et sociétés. Approches historiques). Ses aspects injonctifs et normatifs particulièrement contraignants pour les femmes en font l’un des instruments les plus efficaces de la violence symbolique. Avec son cortège de représentations essentialistes et hétéronormées, elle pourrait être une pièce maîtresse dans le processus d’incorporation et de reproduction de la domination masculine. Néanmoins, parce qu’elle implique aussi des mises en scène et des projections de soi, elle peut réserver des marges de manœuvre et des espaces de liberté. À ce titre, elle serait susceptible de bouleverser la répartition traditionnelle des rôles masculins et féminins, et d’inventer des dissemblances jusqu’à introduire du trouble dans le genre.
En dépit des potentialités critiques et des enjeux politiques qu’elle réserve, la séduction reste un objet théorique non identifié : dérisoire et frivole pour les sciences humaines et sociales, répulsif pour la théorie féministe. Ce vide conceptuel contraste avec le trop-plein des représentations cinématographiques, qui font de la séduction un topos, une figure consacrée, un fantasme public.
Cette intervention tentera de mesurer les enjeux de la séduction, à l’intersection de l’identité de genre et de l’identité sociale, comme grammaire du tissu social et comme pratique intime, subjective, énigmatique. Nous nous appuierons sur deux textes théoriques sur la séduction (Alain Roger ; Jean Baudrillard), que nous comparerons avec quelques séquences de films de fiction (La Vérité d’Henri-Georges Clouzot (France, 1960) ; L’Ange de la vengeance d’Abel Ferrara (États-Unis, 1981) ; Basic Instinct de Paul Verhoeven (États-Unis, 1992)) pour tenter d’en décrypter les implications et les impensés.
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