analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 29 avril 2011


Manuela Torres García
, Master 2 « Théorie et pratique de l'art contemporain et des nouveaux médias » de l'Université Paris 8, manuelatorresg(at)gmail.com, http://www.manuelatorresgarcia.com/

« Repolitiser les corps : la post-pornographie dans la scène artistique espagnole »

Pour la première fois, au XXIe siècle, prolifèrent des images et des discours sur la sexualité produits par des femmes. Cette mutation est liée à l'émergence de la post-pornographie, un mouvement social, artistique et activiste qui aborde, depuis des positions radicales dissidentes, les questions de genre et de sexe. Née des féminismes sex-positive, du transféminisme et des stratégies queer (1), la post-pornographie critique les formes contemporaines de production capitaliste de l'existence. Une production qui se tient à tous les niveaux : économique, visuel, sexuel, affective, corporel, relationnel...

En Espagne, une diversité d'artistes et de collectifs se déploie depuis les années 2000, dont Diana J. Torres, Post-Op, Quimera Rosa et IdeaDestroyingMuros. Sous la forme de réseaux horizontaux (non hiérarchiques), ils s'attèlent à la création de nouvelles représentations et discours sur le corps, les genres et les sexualités. Ces manifestations artistiques expérimentales envisagent le corps et la sexualité comme des lieux privilégiés d'intervention politique. Le but est de créer de nouveaux imaginaires capables de modifier des schémas esthétiques, culturels, sexuels et émotionnels légitimés par des siècles de rigidité.

En rejetant toute essentialisation catégorielle fermée, ces artistes critiquent les binarismes qui organisent nos vies : homme/femme, nature/artifice ou privé/public. Ainsi, prothèses, imagerie technologique et médicale, BDSM, musique ou sexe public deviennent des moyens d'affirmation existentielle de corps non hégémoniques. Dans le cadre d'une autogestion au contexte précaire, et à l'aide de technologies low tech, ils diffusent librement et gratuitement leurs productions multidisciplinaires, où se rencontrent l'art, l'activisme et l'élaboration théorique.

(1) Annie Sprinkle, féministe, actrice porno, éducatrice, artiste et sexologue, est considérée comme la mère de la post-pornographie (qui naît à la fin des années 80). Annie Sprinkle et Scarlot Harlot : Annie Sprinkle's Herstory of Porn. Reeel to real. États-Unis, 1999, 70 min.

Diana J. Torres, Quimera Rosa, Post-Op, TokioSS, Pichi, Mistress Liar, « Pelea de perras » (« Bagarre de chiennes »), Centre Hangar, Barcelone, août 2008, dans le cadre de l'événement Generatech (photographies d'Amie Tetlowsky et Iris Segundo)