analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 22 janvier 2010


Sofiane Taouchichet, doctorant en histoire de l'art, Paris Ouest Nanterre La Défense, Milieux, Cultures et Sociétés du Passé et du Présent, sofiane.taouchichet(at)hotmail.fr

« Connaît-on les images du passé colonial ? »

L’adoption par l’Assemblée nationale, le 23 février 2005, de la "colonisation comme une œuvre positive" ouvre un nouveau chapitre passionnel entre la France et son passé expansionniste. Le vote de 2005 installe officiellement dans l’espace politique français l'œuvre coloniale. Cependant, la loi privilégie une mémoire contre une autre. Par exemple, en indemnisant les anciens activistes de l'OAS (cf. loi n° 2005-158 du 23 février 2005 article 13), on observe une prise de position institutionnelle de la mémoire nationale. Dans le camp adverse, à l'exemple de Indigènes, une contre-argumentation se forme. Ainsi, le film de Rachid Bouchareb laisse sous-entendre certains non-dits sur la colonisation. L'historien Benjamin Stora, spécialiste de la guerre d'Algérie et de la question coloniale, souligne et développe cette nouvelle guerre des mémoires.

Au milieu des débats houleux, où les douleurs enfouies et les arrière-pensées politiques sont présentes, l'image est régulièrement convoquée. Illustrant tour à tour les rêves nostalgiques et les exactions coloniales, les représentations de ce moment d'histoire portent, bien souvent, de lourdes critiques négatives. Cependant, connaît-on les images du passé colonial ?

Il existe une littérature récente sur l'iconographie coloniale. Depuis les années 1990, les différentes études de l'ACHAC, comme Images et colonies : propagande coloniale sur l'Afrique française de 1880 à 1962 ; De l'indigène à l'immigré, offrent une réflexion sur les productions visuelles issues de cette période. Pourtant, plusieurs interrogations, méthodologiques et intellectuelles, émergent. En effet, les travaux s'axent prioritairement sur le couple image/idéologie. On observe également un manque sur la réalité des productions iconographiques issues du phénomène. Enfin, hormis certains travaux d'historiens d'art, à l'exemple de Lynne Thornton, Les peintres africanistes, peintres voyageurs : 1860-1960, les études restent globalement le fait d'historien.

De ce fait, nous proposons une relecture de l'image coloniale. En nous concentrant principalement sur la presse illustrée d'information généraliste, média majeur pour le XIXe siècle, il s'agit de comprendre les difficultés de lecture inhérentes au corpus, puis d'aborder plus amplement deux revues, L'Illustration journal universel et Le Petit Parisien supplément littéraire illustré. Enfin, au travers de la mise en image de la conquête du Dahomey, nous observerons les différentes pratiques médiatiques pour illustrer le phénomène expansionniste français.

Finalement, la difficulté est de considérer les représentations de la presse illustrée uniquement pour ce qu'elles montrent. Une lecture superficielle, c'est-à-dire appréhender une image exclusivement au travers des éléments visuels biaise la réception. Ainsi, notre communication ambitionne d'abord de recréer l'environnement des périodiques, puis de comprendre son rapport avec les actualités coloniales.

Image colonialiste ou anticolonialiste ?

« Deux d'un coup !… C'est superbe ! Tu auras la croix !

La gravure de Gustave-Henri Jossot (Abdul Karim Jossot) est extraite de L'Assiette au Beurre, n°144, 2 janvier 1904. Dressage. Elle orne également la couverture de l'ouvrage de Claude Liauzu Histoire de l’anticolonialisme en France du XVIe siècle à nos jours.