analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 27 février 2009


Charlotte Foucher, doctorante en histoire de l’art, Université François Rabelais de Tours, laboratoire InTRu (Interaction, Transfert, Rupture artistique et culturelle), charlotte.foucher(at)club-internet.fr

« Bas-bleuisme dans l’art. Les femmes artistes dans les milieux symbolistes et décadentistes au passage du siècle (XIXe –XXe siècles) »

La seconde moitié du XIXe siècle voit en France l’émergence du Bas-bleuisme. Originaires d’Angleterre, les "Blue-stockings" (Bas-bleus) désignent à la fin du XVIIIe siècle les femmes qui de "prétention intellectuelle, en étaient arrivées, à ne plus faire leur toilette et qui portaient des bas comme les cuistres d’Angleterre du temps de Pope" (Barbey d’Aurevilly). Si le bas-bleu incarne donc initialement la femme de lettres, nous tenterons de transposer l’analyse d’un Bas-bleuisme dans l’art tel que le laissent déjà entendre Frédéric Soulié dans sa Physiologie du Bas-bleu (Paris, 1841) et Jules Barbey d’Aurevilly dans son livre sur le sujet Les Bas-bleus. Selon eux, la femme artiste ne parviendra jamais à rivaliser avec son homologue masculin car elle n’en a ni les moyens physiologiques ni les capacités intellectuelles. Si ces écrits corroborent la majeure partie des traités contemporains d’anthropologie (craniométrie du Dr Paul Broca), de médecine (hystérie du Dr Jean-Martin Charcot) et de physiologie (hypersensibilité du Pr Henri Marion) du féminin, ils démontrent également combien, à cette époque, la femme émancipée professionnellement incarne une menace pour l’homme dans l’ordre établi des genres.

Malgré les nombreuses études qui existent sur les femmes artistes de la seconde moitié du XIXe siècle, celles-ci ont tendance à avoir le plus souvent occulté la présence des femmes dans l'art au passage du siècle, passant presque systématiquement de l'Académisme aux avant-gardes artistiques. Par une approche culturelle, il s'agira d'associer la créativité féminine et les pratiques artistiques de cette fin de siècle aux différentes lectures populaires, historiques, sociologiques, scientifiques ou encore psychologiques sur le féminin. À une époque où les femmes furent davantage perçues comme projections fantasmatiques que comme artistes actives, nous croiserons les lieux de créativité féminine (Salons, sociétés féminines, ateliers d’arts décoratifs, cercles ésotériques…) avec les traditionnels discours, visions et représentations de la femme artiste au passage du siècle. Au travers d’exemples d’artistes et d’œuvres peu connus, le principal objectif de ce travail sera d'analyser les différentes stratégies de contournement adoptées par les femmes pour aspirer à une place, à une visibilité et à une légitimité dans le champ des arts visuels.

Jean Plumet, Le Rire, n° 100, 31 décembre 1901 :
"- Eh ! Eh ! Eh !... Très joli tout ça !
- Croyez-vous, mon cher maître, que je sois digne du Salon ?
- Mais certainement, mon enfant... De la chambre à coucher aussi."