analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 9 mars 2007


Corinne Chaponnière, docteure en Lettres, journaliste, corinne(at)chaponniere.com

« Les dualismes dans la théorie des signes »

Cet exposé rend compte d’une réflexion sur la sexuation récurrente, dans les théories littéraires et artistiques, des dualismes les plus courants tels que forme/contenu, dessin/couleur etc.; elle vise à mettre en évidence le caractère instable de cette sexuation, en raison de deux perceptions contradictoires de la féminité, comme siège suprême de la naturalité d’un côté, comme maîtrise suprême de l’artifice d’autre part.

Le geste artistique, en tant que travail sur les signes, est d’ores et déjà sexué dans la rhétorique antique, d’abord par l’association métaphorique du signe au corps, puis par l’association du travail sur les signes au travail sur les apparences, pratique traditionnellement considérée comme féminine ou efféminante.

Un autre exemple de dualisme esthétique sexué apparaît dans la querelle sur la primauté du coloris ou du dessin (XVIe-XVIIe). L’association de la couleur à la matière concrète d’une part, du dessin à l’idée abstraite d’autre part dessine la ligne de partage entre une couleur féminine (qui plaît aux sens) et un dessin masculin (qui plaît à l’intelligence).

Les XVII-XVIIIe siècles rendent particulièrement perceptible une coexistence de deux sexuations contradictoires. Est considéré comme un efféminement le souci exacerbé de la forme, la virilité devant se cantonner à l’im-médiateté (Rousseau), ce qui reconduit l’association du travail des apparences au "féminin", telle que l’ancienne rhétorique l’avait développée. En même temps, les modes de communication les plus "naturels" (conversation et art épistolaire notamment), très valorisés dès le XVIIe siècle, sont notoirement "féminins".

En conclusion sera abordé le problème du caractère métaphorique de ces "sexuations", le poids social effectif des femmes dans les débats esthétiques du XVIIe siècle constituant sans doute une exception à la règle.

Guido Reni, L'Union du dessin et de la couleur, vers 1620-1625, Paris, Musée du Louvre