analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 27 avril 2007


Livio Boni, philosophe de formation, docteur en psychopathologie fondamentale et Psychanalyse, Paris VII, livio.boni(at)laposte.net

« La différance du (mono)sexuel chez Winckelmann »

L'œuvre et la figure de Winckelmann occupent une place doublement fondatrice dans le nouage histoire de l'art/détermination de genre, car elle fonde le champ discursif de l'histoire de l'art tout en l'ordonnant à une esthétique homo-érotique.

Toutefois, force est de constater l'insuffisance d'une approche historique et d'une application grammaticale du gender qui se limitent à repérer la domination du paradigme masculin dans le néoclassicisme et l'académisme du XIXe siècle. L'homo-érotisme winckelmannien n'est ni la pure projection d'un idéal homosexuel ni un simple avatar de l'imposition du masculin, mais la constitution d'un genre de mono-sexuation idéale à l'intérieur de laquelle la différence sexuelle joue un rôle (le féminin renvoyant au sublime, là où le beau est réservé au masculin, comme le montre Alex Potts). Qui plus est, cette mono-sexuation apparente se différencie à son propre intérieur entre des figures narcissiques et autosuffisantes de masculinité autarcique (l'Apollon du Belvédère, l'Antinous), des figures plus explicitement hétéronomiques où la beauté masculine dépend d'une agression extérieure (le Torse d'Hercule), jusqu'à une véritable mise en scène d'un châtiment et d'une mise à mort réalisant le comble de la jouissance (Laocoon).

Ainsi, notre intervention se concentre sur une relecture freudienne sélective des présentations de sculptures classiques fonctionnant comme paradigmes de l'esthétique winckelmannienne, en cherchant à y repérer le travail de la différance du sexuel en trois sens distincts et solidaires: 1) la fonction implicite qu'y joue la différence sexuelle (féminin=sublime=angoisse de castration; masculin=beau=résistance à l'effraction de l'autre); 2) la construction de figures diverses et diversifiées d'homo-érotisme, ou plutôt la constitution de l'homo-érotisme lui-même comme travail de différance à l'intérieur du masculin 3) l'idéal de la beauté classique comme différance de la pulsion, comme capacité d'en différer l'affect.

L'Apollon du Belvédère, copie romaine en marbre de l'époque antonine d'après un original grec en bronze de la deuxième moitié du IVe siècle avant J.-C.