analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du 28 janvier 2011


Daniella de Moura
, Master 2 recherche Esthétique et histoire des arts plastiques à l’Université Paris 8, sous la direction de Monsieur François Soulages, daniellademoura(at)gmail.com, http://www.revetez-vousdemescheveux.blogspot.com/

« L’abject dans l’œuvre de Lygia Clark »

Les propositions de Lygia Clark ont placé l’expérience artistique dans le domaine de la vie transformant ainsi la structure des trois entités artistiques – l’artiste, l’objet médiateur et le spectateur – et incarnant organiquement un processus où l’expérience vécue et la pensée seraient totalement interdépendants et inséparables. Entre les années 1972 et 1976, Lygia Clark a travaillé comme professeur invité de la Sorbonne ; dans son cours annuel elle a retrouvé des conditions pour transmettre ses propositions d'expérimentation corporelle. À partir d’objets sans valeur tels que des élastiques, des cailloux, des coquillages et des sacs plastiques, Clark concevait des objets sensoriels dont le toucher provoquait des sensations susceptibles d’être associées au corps. Clark proposait avec de tels objets la Nostalgie du corps : le corps fragmenté, mutilé pour mieux se reconnaître à travers le toucher ; la régression du sujet amené à prendre conscience de son propre corps.

On considérera ici le concept d’abject corporel de Julia Kristeva, étudié dans Pouvoirs de l’horreur, comme une approche possible pour les propositions artistiques collectives telles que Bave anthropophagique et Cannibalisme. Quelques expériences sensorio-corporelles de Clark proposent un vrai retour à l’expérience de l’abject corporel, état antérieur à la formation du sujet et à la construction du langage.

En lien avec cette réflexion sur la compréhension sensorio-corporelle de Lygia Clark et le concept d’abject de Kristeva, j’ai développé un projet artistique intitulé "revêtez-vous de mes cheveux". À partir de la proposition de s'approprier les vêtements capillaires, surgit un univers de possibilités artistiques collectives. L’expérience avec l’abject corporel capillaire est capable de provoquer chez le participant une sorte de subjectivité corporelle primitive, état antérieur au langage, non-représentatif et pré-symbolique.

Lygia Clark, Bave anthropophagique, 1973

Daniella de Moura,
Revêtez-vous de mes cheveux, 2009