analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 25 janvier 2008


Johanna Renard, École du Louvre, johannarenard(at)hotmail.com

« La voie de l'a-féminité. La construction de la subjectivité féminine dans The Man who Envied Women (1985) d'Yvonne Rainer »

Au début des années 1970, l’intérêt croissant d’Yvonne Rainer pour le traitement de l’émotion et des rapports humains l’engage à se tourner vers le cinéma. Passant du corps à l’image, elle poursuit tout d’abord des problématiques chorégraphiques dans son premier long-métrage Lives of Performers (1972). Mais dès le film suivant, Film About a Woman Who…(1974), elle exploite les possibilités narratives offertes par le médium filmique en se penchant sur son expérience personnelle. C’est après avoir lu Sisterhood is Powerful, l’anthologie de Robin Morgan, et Scum Manifesto de Valerie Solanas, qu’elle s’ouvre au combat féministe. Inspirée par les luttes du Women’s Lib, la réalisatrice s’appuie sur sa propre histoire pour évoquer des préoccupations politiques liées au genre. À partir de Film About a Woman Who…, elle choisit de juxtaposer expérience concrète, combat politique, théories féministes et postmodernistes, sans jamais se départir d’un regard ironique et irrévérencieux. La théorie devient un personnage de la fiction, apparaissant au détour des dialogues, des monologues, des extraits d’émissions télévisées ou de journaux intimes (Journeys from Berlin/1971, 1980).

Dans The Man Who Envied Women (1985), la confidence d’une narratrice invisible (Trisha Brown), qui raconte la fin de sa relation amoureuse avec un professeur d’université, est assemblée avec de multiples discours (philosophiques, politiques, intimes ou populaires) dont aucun ne prévaut. Par delà ce collage polyphonique, qui contraint le spectateur à conserver une position réflexive, The Man Who Envied Women offre une place privilégiée à la construction de la subjectivité féminine. C’est en utilisant un procédé cinématographique très connoté, celui de la voix off, que la cinéaste entend se libérer des schémas narratifs traditionnels. En s’appuyant sur l’ouvrage de Kaja Silverman, The Acoustic Mirror, paru en 1988, on montrera comment la désincarnation de la voix féminine permet à Rainer de construire un espace critique de remise en cause du genre.

Affiche du film The man who envied women d'Yvonne Rainer, 1985, États-Unis, noir et blanc et couleur, 125 min