analyse culturelle et études de genre / art, mythes et images

groupe de recherche coordonné par anne creissels et giovanna zapperi
docteures de l'ehess, chercheures associées au cehta

contact : annecreissels(at)orange.fr g.zapperi(at)gmail.com

séance du vendredi 7 mai 2010


Émilie Omnès
, Master 2 en études de genre et pensées de la différence, Paris 8 St Denis, millie.omnes(at)gmail.com

« Conduite sociale, rite de passage et différenciation sexuelle à travers l’analyse d’un film israélien : My father, my lord de David Volach »

Nous pouvons constater depuis les 40 dernières années, une remise en question profonde de la société israélienne à travers son cinéma. Le projet sioniste, l’immigration, l’occupation en terre palestinienne et les nombreuses guerres qui s’en sont suivies ont contribué à faire naître une pensée autocritique. La figure de l’Autre (femmes, palestiniens, minorités ethniques et sexuelles) s’en trouve mieux représentée à l’écran, non plus comme contrepoint d’une glorification exagérée du Pionnier puis du Sabra Israélien mais comme personne à part entière à qui l’on rend son humanité, ses désirs, ses pensées, ses besoins. Le héros n’est plus cette figure masculine ultra virilisée qui défriche et féconde la terre et les femmes, lutte contre l’ennemi, se confond avec cette nation que l’on cherche à modeler à tout prix. Le héros est l’Arabe, la Femme, le Juif est l’étranger qui a du mal à s’intégrer.

La jeune génération de cinéastes, prenant leçon sur le courant de la Nouvelle sensibilité (sorte de nouvelle vague israélienne qui s’est développée dès les années 60)et le cinéma des Bourékas, (cinéma populaire), montre la société israélienne dans toute sa diversité, et sa complexité. Pour cela ils se réapproprient ces corps, les représentent de manière plus libres, dégagés de toute propagande et remettent en question les normes sociales, culturelles, sexuelles qui assujettissent l’homme d’une manière générale à la loi religieuse, à la loi du père, à celle de l’oppresseur.

Pour cette courte intervention, je m’en tiendrai à l’analyse d'extraits du film de David Volach, qui est une synthèse des trois composantes de ma recherche : la conduite sociale, le rite de passage, la différenciation sexuelle. L’histoire, du point de vue d’un jeune garçon de 6 ans traduit avec justesse l’exercice des contraintes sociales à l’œuvre dès le plus jeune âge d’un garçon juif, afin d’en faire un « grand homme » (mensch).

David Volach fait partie de cette jeune génération émancipée. Issu d’une famille juive ultra-orthodoxe de Jerusalem, il s’en est dégagé à 25 ans après avoir entamé un long processus de laïcisation. Apostat (ultra-orthodoxe devenu laïc), il a suivi une formation en cinéma à l’école de Tel Aviv. My father est son premier long-métrage qu’il signe à 38 ans.

My father (vacances d’été en hébreu) raconte, à hauteur d’enfant, la découverte et la transgression des normes du père dans un univers juif ultra-orthodoxe le temps d’un été. Menahem, garçon de 6 ans va bientôt faire sa Bar Mitzva (troisième rite qui consacre l’homme dans la religion juive après la circoncision (brit Milah) et la coupe de cheveux (Halakah) à trois ans qui opère une mutation physique et émotionnelle profonde chez l’enfant mâle). Fils de parents agés qui le chérissent, il se heurte pourtant à la rigidité du père qui cherche à lui inculquer les préceptes de la Torah. Menahem, qui est un enfant, regarde le monde avec émerveillement, sans appréhension. Toutefois, son attitude est systématiquement contrée par son père, qui voit en chaque geste une manifestation de Dieu et en chaque acte, une illustration de la loi, qui va à l’encontre de l’humanisme, de l’autre, de la sensibilité de la vie.

Image de My father, my lord (Hofshat Kaits), film israélien de David Volach, 2008